Phytodégradation

Mis à jour : 13/03/2023
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Principe

La Phytodégradation est une technique de dépollution qui consiste à dégrader des polluants organiques en composés plus simples et moins toxiques à l’aide d’espèces végétales et de microorganismes, avec ou sans ajout d’amendements. Il s’agit d’une technique de dépollution partielle car seule la fraction dite « biodisponible » des polluants leur est accessible (ADEME - INERIS (2012) et BRGM (2010))

Caractéristiques
Mise en œuvre : In situ
Nature : Méthode biologique
Matrices : 
  • Sol
  • Eau
Domaines d'application : 
  • ZNS
Termes anglais : phytodegradation
Autre dénomination : phytotransformation 
Polluants traités : 
  • HAP
  • TPH lourd
  • TPH léger
  • BTEX
  • PCB
  • SCOV
  • SCOHV
  • Pesticides/Herbicides
  • Explosifs et composés pyrotechniques
Description

Le but de cette technique est de dégrader certains contaminants organiques biodisponibles en constituants élémentaires plus simples et moins toxiques à travers l’activité métabolique et donc la production de nombreuses enzymes de certaines plantes.

Figure 1 - Illustration du principe de la phytodégradation.

Figure 1 - Illustration du principe de la phytodégradation.

La dégradation peut avoir lieu dans la plante au niveau des parties aériennes, ce qui suppose alors l’adsorption du contaminant au préalable, ou en dehors de la plante via la production d’enzyme extraracinaire (exsudats).

Des amendements peuvent être utilisés sur site afin d’augmenter les performances de la Phytodégradation, on parle alors de phytodégradation aidée ou assistée. Ils peuvent être de deux types :

  • des amendements chimiques pour faciliter l’installation des plantes et leur pérennisation,
  • des amendements biologiques (bactéries, champignons mycorhiziens) pour améliorer la capacité de dégradation directe ou pour favoriser le développement et la résistance des plantes.

La biomasse produite peut être récoltée et valorisée dans le cadre de la filière bois-énergie ou une filière industrielle non alimentaire (compostage, méthanisation, éco-matériaux, bioraffineries) cependant l’accumulation éventuelle de polluants dans la partie aérienne nécessite un niveau de surveillance particulier.

Moyens

Les moyens matériels nécessaires à la Phytodégradation sont essentiellement ceux inhérents à la culture des plantes (matériel agricole, des espaces verts ou de la foresterie).

Paramètres de suivi

La Phytodégradation nécessite une surveillance afin de vérifier l’atteinte et le respect des objectifs de qualité des milieux, les paramètres du suivi sont notamment :

  • les concentrations en polluants dans les sols,
  • la fraction biodisponible de polluant dans le sol et l’écotoxicité du polluant,
  • les concentrations en polluants dans les milieux de transfert (essentiellement les eaux souterraines et de ruissellement),
  • la qualité agronomique des sols, pH, taux de matière organique, humus, taux NPK
  • les concentrations en polluants et en molécules issues de sa dégradation dans les plantes,
  • les paramètres relatifs aux filières de traitement ultérieur de la biomasse.

Il est aussi préconisé d’effectuer un suivi de l’écosystème via une étude de biodiversité et de la fonctionnalité des sols ainsi que de la qualité du couvert végétal présent sur le site.

Variantes

La Phytodégradation peut être complétée par la Phytostimulation/Rhizodégradation de polluants organiques en cas de présence de pollution complexe. L’activité des microorganismes présents au niveau des racines est stimulée par la présence de la plante et notamment par l’augmentation de l’infiltration des eaux et de l’aération.

La Phytoextraction est une autre technique de phytorémédiation qui permet la dépollution des site pollués par des éléments traces métalliques. Il s’agit d’une dépollution partielle car la plante n’a accès qu’à la fraction biodisponible des polluants. Avec cette technique, il convient ensuite de gérer la biomasse produite enrichie en polluants.

Applicabilité

Les polluants les plus traités par Phytodégradation sont les polluants organiques : HAP, HCT TPH lourd, TPH léger, BTEX, PCB, solvants chlorés (SCOV, SCOHV), pesticides/herbicides, explosifs et composés pyrotechniques.

Cette technique peut être appliquée en milieu urbain ou rural sur des espaces agricoles, sur de larges surfaces de sols faiblement contaminés. Les sols traités par ce procédé sont majoritairement silteux à sableux jusqu’à 50 cm de profondeur.

Le tableau ci-dessous présente l’applicabilité de la Phytodégradation en fonction de l’état physique de la pollution.

Tableau 1 - Domaine d'application de la phytodégradation en fonction de l’état physique de la pollution.

Tableau 1 - Domaine d'application de la phytodégradation en fonction de l’état physique de la pollution.

Faisabilité et dimensionnement

1. Faisabilité

La réalisation d’essais préliminaires pour s’assurer de la pertinence des amendements et des espèces végétales retenus au regard des caractéristiques pédologiques, du degré de contamination et des conditions environnementales du site à gérer est fortement conseillée.

2. Dimensionnement

La connaissance des paramètres simples concernant le site, ses usages actuels et futurs, le(s) polluant(s) et le sol permet de pré-sélectionner la (les) phytotechnologie(s) la (les) plus adaptée(s) et d’identifier les paramètres susceptibles de limiter la faisabilité et les performances des techniques.

Au-delà de la délimitation des sources de pollution, les qualités agronomiques des sols doivent être prises en considération pour servir à orienter le choix de la (des) espèce(s) végétale(s) adaptée(s) au site et à sa pollution, les travaux du sol (décompactage…) et les pratiques agronomiques éventuelles à mettre en place (fertilisation, irrigation…). On peut citer par exemple, les paramètres suivants : pH, teneur en matière organique, capacité d’échange cationique, rapport carbone/azote, … Les éléments climatiques tels que le taux de précipitation annuel sur le site, la répartition annuelle des précipitations et les températures sont aussi des éléments à considérer.

2.1. Les choix techniques associés à la phytodégradation

Le choix de ou des espèces végétales doit être fait en prenant en compte les points suivants :

  • la tolérance de l’espèce au polluant,
  • la biodisponibilité du polluant,
  • la tolérance de l’espèce aux conditions environnementales (taux de précipitation annuel, répartition annuelle des précipitations, températures),
  • la qualité agronomique du sol (pH, rapport carbone/azote, teneur en matière organique),
  • la modalités de culture (besoins limités en irrigation, fertilisants, produits phytosanitaires, fauchage ou élagage), 
  • la volume de biomasse produit (densité racinaire, surface foliaire…),
  • la capacité à synthétiser des enzymes pour dégrader le polluant,
  • la présence sur place de plantes adaptées au sol et au climat du site et/ou la disponibilité commerciale des espèces recherchées sur le marché européen de la semence,
  • les filières de gestion et valorisation de biomasse disponibles.

L’utilisation de plusieurs espèces (polyculture) peut être envisagée.

Plusieurs plantes, notamment les herbacées, les légumineuses ou certaines espèces ligneuses ont été décrites pour leur tolérance et leurs capacités à contribuer à diminuer la concentration en polluants organiques du sol.

2.2. Le choix des amendements

Les amendements utilisés ont pour but de faciliter l’installation des plantes et leur pérennisation, notamment pour les sols pauvres. Il peut également s’agir de rendre les polluants plus biodisponibles pour faciliter leur dégradation par les plantes.

2.3. Autres informations nécessaires

L’Union des Professionnels de la Dépollution des Sites (UPDS) a déterminé les paramètres à fournir pour permettre le dimensionnement des traitements :

a. Définition du projet

  • Délais,
  • Objectifs de traitement (sols et/ou eaux et/ou gaz du sol),
  • Seuils de dépollution,
  • Surface et/ou volume à traiter,
  • Choix des espèces et des amendements,
  • Gestion de la biomasse.

b. Site

  • Expertise écologique (espèces protégées),
  • Travaux de préparation du site (décompactage, défrichement/déboisement) et de préparation du sol (aplanissement, irrigation, amendements : type et disponibilité),
  • Éléments climatiques (taux de précipitation annuel, répartition annuelle des précipitations, températures),
  • Présence de ravageurs et de maladies,
  • Usage actuel et futur.

c. Sol ou matériau à traiter

  • Nature du sol (fertilité, qualité agronomique),
  • Géologie/lithologie ou nature des sols.

d. Polluants

  • Type (nature, toxicité, biodisponibilité, multipollution),
  • Concentrations (cartographies de pollution dans les sols, l'eau, les gaz du sol),
  • Délimitations (surface, homogénéité et profondeur),
  • Présence de produit pur (flottant, coulant, piégé…),
  • Estimation du stock.
Facteurs

La mise en place d’une couverture végétale est essentielle pour :

  • limiter l’érosion du sol,
  • limiter l’envol de poussières,
  • limiter le lessivage des éléments toxiques et leur transfert vers la nappe phréatique,
  • maintenir ou restaurer une microflore et une microfaune adaptée, garantes de la fonctionnalité des sols.

La Phytodégradation présente les avantages suivants :

  • un des bénéfices les plus rapides est la limitation des transferts de polluants et des expositions (réenvols de poussières, ruissellement, évapotranspiration, contact cutané, ingestion de terres) par la couverture végétale,
  • technique applicable in situ sur une large variété de sols pollués (sols agricoles, friches industrielles, sédiments excavés…) en milieu rural et urbain,
  • compétitivité en termes de coût par rapport aux techniques « actives » (fonction de la valorisation de la biomasse, des coûts de mise en place et de surveillance sur le long terme du site),
  • possibilité de réaliser des traitements de contamination de grande superficie en alternative ou en complément aux techniques « actives »,
  • technologie de soutien non négligeable après un traitement actif (partiel) de la source de pollution et de l’impact (traitement de finition),
  • faible perturbation du milieu contaminé (structure et fertilité),
  • activité liée à la dépollution générant peu d’impact, sauf une occupation parfois longue des terrains,
  • technologie visuellement attractive,
  • perception généralement positive de la population,
  • reconquête des activités de fonctionnalité des sols,
  • possibilité d’une valorisation foncière des sites concernés,
  • possibilité d’une valorisation écologique (aménagement paysager, accroissement de la biodiversité).

Ses inconvénients et ses facteurs limitants sont les suivants :

  • l’hétérogénéité des répartitions des polluants interfère énormément sur l’efficacité du traitement,
  • technique de gestion de la pollution qui nécessite de s’assurer de la pérennité du traitement dans le temps, et demande donc un suivi analytique et une interprétation des résultats analytiques importants
  • la technique s’applique aux sols de subsurface dans la plupart des cas (c’est-à-dire aux horizons de surface colonisés par les racines soit en moyenne jusqu’à 50 cm de profondeur),
  • technique souvent limitée à des pollutions peu concentrées car les concentrations élevées en polluants peuvent être rédhibitoires pour les plantes,
  • les plantes n’ont accès qu’à une partie de la fraction totale des polluants,
  • procédé fortement influencé par la météorologie, la fertilité des sols mais aussi les attaques des insectes, les micro-organismes et les substances phytopathogènes,
  • dans les cas de multipollution, le devenir de polluants multiples du sol, organiques et inorganiques, sous l’influence de diverses espèces végétales et de microorganismes associés est mal connu à ce jour et est spécifique au site,
  • une partie des usages des sols et/ou des eaux souterraines doit être « gelée » (servitudes…) tout au long du traitement,
  • l’emploi d’une plante bien adaptée à un type de polluant n’est pas toujours possible du fait des caractéristiques agronomiques du terrain.
Coûts

Les coûts sont très disparates et dépendent étroitement du site, du choix de l’espèce, de la durée de traitement et de l’apport d’amendement. L’analyse économique globale de cette technique est encore à poursuivre en tenant compte des différents scénarios de valorisation de la biomasse et des coûts liés aux phases de mise en place sur le site, de suivi de la performance et de surveillance à long terme.

Les coûts de mise en place varient de 0,5 à 3€/m² (ADEME - INERIS, 2012).

Répartition des couts :

Les coûts se répartissent comme suit :

  • la part de l’investissement initial est relativement importante. Celui-ci correspond à la préparation des sols (déboisement, défrichement, aplanissement, …) et l’ajout d’amendements éventuels, la végétalisation des surfaces dont les sols sont pollués.
  • les charges récurrentes sont principalement liées à l’entretien des plantes.

Les coûts doivent être pondérés par les bénéfices liés à la valorisation de la biomasse produite (bénéfice de 70€/T évalué pour des projets de recherche).

Des bénéfices sociaux et environnementaux (lutte contre l’artificialisation, préservation de la ressource en eau, augmentation de la biodiversité, diminution des envols de poussière, limitation des plantes invasives, diminution des émissions de gaz à effet de serre, restauration des fonctions du sol, …) sont également à prendre en compte mais difficilement quantifiables.

Maturité

Cette technique est émergente. Son application pratique en est à ses débuts mais a été démontrée à travers des travaux de R&D sur les HAP, HCT, BTEX, PCB, solvants chlorés, pesticides (ADEME, 2017).

A la connaissance des auteurs de cette fiche et à la date de rédaction de la fiche (novembre 2019), aucune application n’a été recensée pour une pollution comportant un mélange de polluants inorganiques et organiques.

Efficacité

L’efficacité de cette technique dépend de la bonne implantation de l’espèce végétale, de la biodisponibilité du polluant ainsi que de l’absence d’effets négatifs sur les compartiments environnementaux proches (eaux de surface, souterraines, cultures avoisinantes…).

Délai

La Phytodégradation est un traitement long pour lequel le suivi de la dépollution est important afin d'assurer l’atteinte des objectifs. Les délais peuvent être de l’ordre de plusieurs années parfois (2 à 20 ans).

La durée effective des travaux de mise en place varient entre 1 et 3 semaines pour 1 hectare. La période de mise en place doit se caler sur la saison de plantation en fonction de l’espèce végétale choisie.

Taux d'utilisation

La Phytodégradation est encore au stade de la R&D et de la démonstration de sa faisabilité. A la connaissance des auteurs de cette fiche et à la date de rédaction de la fiche (novembre 2019), il n’existe pas de chantier ou de référence en traitement disponible.

Références

1. Bibliographie

ADEME - INERIS (2012)
Les phytotechnologies appliquées aux sites et sols pollués – État de l’art et guide de mise en œuvre
ISBN : 978-2-7598-0805-2
https://www.ineris.fr/sites/ineris.fr/files/contribution/Documents/phytotechnologies-ademe-2013-1463054029.pdf

ADEME (2017)
Les phytotechnologies appliquées aux sites et sols pollués – Nouveaux résultats de recherche et démonstration
Brochure réf. 010191
ISBN : 979-10-297-0786-5

BRGM (Juin 2010)
Quelles techniques pour quels traitements - Analyse coûts-bénéfices
S. Colombano, A. Saada, V. Guerin, P. Bataillard, G. Bellenfant, S. Beranger, D. Hube, C. Blanc, C. Zornig et I. Girardeau
Rapport final BRGM/RP-58609-FR
http://ssp-infoterre.brgm.fr/quelles-techniques-quels-traitements
http://infoterre.brgm.fr/rapports/RP-58609-FR.pdf

2. Liens

Best Practice Guidance for Practical Application of Gentle Remediation Options (GRO)
2014. Puschenreiter, M.
The GREENLAND Project, 18 pages
https://www.researchgate.net/publication/264057310_The_GREENLAND_project_
gentle_remediation_of_trace_element_contaminated_land

Les Phytotechnologies appliquées aux sites et sols pollués
2017
ADEME, INERIS, ISA-Lille, Mines Saint-Etienne.
68 pages
https://www.ineris.fr/fr/risques/dossiers-thematiques/tous-dossiers-thematiques/phytotechnologies-appliquees-sites-sols

Technology guide: bioremediation
2018
CRC for Contamination Assessment and Remediation of the Environment - Care National Remediation Framework. Version 0.1, 44 pages
https://crccare.com/wp-content/uploads/2022/09/CTechguide_Bioremediation_Rev0.pdf

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